Après nous les oiseaux - Rakel Haslund

La Tour du Freux - Ann Leckie


A l'époque de sa sortie en VF, j'ai adoré la trilogie de l'ancillaire d'Ann Leckie. Depuis, elle à sortie 3 autres romans, et allez savoir pourquoi j'ai mis tout ce temps à reprendre la découverte de son œuvre. C'est chose faite avec son roman de fantasy de 2019 sorti chez nous en 2020 et que j'ai bien fait !

Le Freux est le dieu du royaume de l'Iradène qu'il protège depuis de nombreuse années. Suite à la mort de son Instrument, créature qui lui permet de communiquer, le Bail, son représentant humain doit se sacrifier pour s’acquitter de sa dette. Sauf que quand Mawat, l'héritier du Bail arrive à Vastaï pour faire ses adieu à son père et se préparer à prendre sa place, il découvre que ce dernier aurait disparu sans s’acquitter du prix. Nous allons donc suivre Eolo, son très fidèle et perspicace aide de camp tandis qu'il s'ingénie à faire la lumière sur ce qu'il s'est passé.

En parallèle de cette intrigue, nous faisons un bond dans le passé très lointain, aux premiers âge de la planète et nous découvrons son évolutions narré par... un caillou. Bon il s'agit en réalité d'un dieu incarné dans une pierre et à travers son récit on découvrira la manière de fonctionner des divinités de ce monde, la façon dont se sont construit les peuple de l'Iradène et ses proches alentours et bien sûr on comprendra comment tout s'est mis en place dans le passé pour aboutir à la crise présente.

Ann Leckie prend un pari audacieux, celui de la narration à la seconde personne. C'est un choix difficile je trouve qui passe ou qui casse et avec lequel j'ai généralement du mal. Mais parfois, comme c'est le cas ici, il est utilisé avec subtilité et talent et cela fonctionne.

Petit à petit, le voile sera levé sur ce narrateur omniscient qui s'adresse non pas à nous mais à Eolo. Eolo est un jeune homme trans et la façon dont Ann Leckie l'intègre et aborde le sujet est franchement réussie. Pour quiconque est familier avec le sujet, on le comprend dès le début, mais si ce n'est pas le cas, la question du genre d'Eolo est abordée frontalement en milieu de roman. Jamais son identité est remise en question et si on sent que certains des peuples sont moins à l'aise que d'autres avec cela, on comprend aussi qu'il est accepté pour ce qu'il est.

Eolo est un personnage taciturne, fidèle à Mawat, malin, très à l'écoute et c'est un plaisir de suivre son enquête, de le voir interpréter aussi sa fidélité à Eolo à sa façon, pas pour le suivre aveuglément mais pour s'opposer à lui avec intelligence quand c'est nécessaire. 

Mawat est franchement antipathique et c'est accentué par le contraste entre lui et son aide de camp. Il est colérique et buté, et son entêtement le desservira. C'est bien un noble privilégié en somme.

D'autres personnages gravite autour d'Eolo, et tous son savamment caractérisé, complexe et intéressant.

Mais je pense que l'un des personnages les plus intriguant est bien sûr la Force et Patience de la Colline, notre mystérieux dieu du passé. Honnêtement, je n'aurais jamais penser m'attacher autant à un rocher mais son regard sur le monde, sa façon de nous narrer son évolution et ses intenses reflexions en font un personnages des plus passionnant.

Passionnante, l'intrigue l'est aussi. On se retrouve au cœur d'une lutte de pouvoir puisant ses racines dans les siècles passés, dans des conflit où les humains sont à la fois des pions et des ressources. Si l'on reste dans un domaine classique ici, les différents rebondissements, les surprises, la manière dont tout s'imbrique et les personnages qui font vivre cette histoires sont suffisamment bien écrit pour que l'on se passionne pour cette histoire. Une histoire qui prend régulièrement son temps, nous laisse de l'espace pour réfléchir.

L'un des éléments qui apparait comme le plus réussi est la manière dont fonctionne les pouvoirs divins. Ici, tout passe par le langage. Et c'est fascinant de voir comment celui-ci façonne littéralement la réalité à condition que cela soit possible. Un pouvoir à la fois potentiellement omnipotent et en même temps très limité qui se renforce par la capacité d'actions des humains qui vont mettre en place les conditions pour que ce qui est décidé arrive.

Si un dieu dit que cela est, cela est, à moins que ce ne soit pas possible. Ainsi il lui faudra mettre en jeu son existence même pour faire advenir sa parole ou bien disparaitre.

Le langage comme arme sur le réel, a manier avec précaution ; il en résulte des circonvolution et beaucoup de circonspection de la manière qu'on les dieux de s'exprimer.

Pour toutes ces raison, j'ai profondément adoré La Tour du Freux. 

Est-ce que ce roman révolutionne le genre ? Non bien sûr, mais pas besoin de ça pour avoir un excellent titre et Ann Leckie, comme avec l'Ancillaire, offre sur un cadre classique une perspective intelligente et originale sur le genre offrant ainsi un titre très solide et plein de qualités. Que ce soit par ses personnages, son intrigue captivante où ses idées, ce roman offre une fantasy originale qui vaut vraiment le coup d'être lue !

Commentaires

  1. J'avais beaucoup aimé aussi, très original cette histoire de caillou ^^

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