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La main gauche de la nuit - Ursula K. Le Guin

La main gauche de la nuit - Ursula K. Le Guin
Pocket // 1984 (VO (1969) // 320p

Enfin, après des années d'hésitation, des années à me dire qu'il allait quand-même vraiment falloir que je découvre Le Guin, j'ai démarré, motivé par l'excellent guide de lecture réalisé par Vert

C'est compliqué je trouve de parler de certains livres qu'on a énormément aimé. D'essayer d'analyser (pour autant que mes humbles avis soient des analyses), d'aller au-delà d'un fort ressenti. C'est parfois même difficile de mettre des mots sur ce ressenti, et encore plus quand le livre en question rentre dans la très restreinte catégories des romans intemporels. Car indubitablement, c'est ce qu'est ce superbe roman d'Ursula K. Le Guin, et je ne dis pas ça à la légère.

Genly Aï est envoyé par l'Ekumen, sorte de confédération galactiques de planètes, sur Gethen pour y établir contact et convaincre les habitants de réjoindre L'Ekumen. Une mission compliqué qui va l’amener à la rencontre de deux des principaux peuples de cette planète glacée. Deux peuples très différents politiquement qui vont lui permettre de découvrir en profondeur différentes facettes de Gethen, et ce ne sera pas de tout repos.

*  *  *

On peut noter globalement deux grosses parties dans le roman de Le Guin. Une première qui peut paraitre un peu lente mais qui est essentiel en ce qu'elle nous présente les fonctionnement de la Karhaïde et de L'Orgoreyn, les deux principaux pays, en nous montrant les rouages politiques, administratif et religieux à l’œuvre.

Genly se retrouve ainsi confronté aux croyances, aux intrigues, tour à tour méprisé ou utilisé comme jouet politique, tantôt cru, tantôt moqué pour ses déclarations. Il n'est pas évident d'accepter de croire qu'un individus vient bien d'une autre planète dans un monde où les technologies de vol sont inexistantes.

La seconde partie, tant presque vers le récit naturaliste, avec un voyage en couple dans des terres hostiles, un journal de bord prenant, puissant et fort qui pousse les deux protagonistes dans leurs retranchement, qui réalise enfin l'essentiel, lié Genly de manière intime à cette planète, point essentiel pour qu'il puisse mener à bien sa mission.

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L'un des points principaux du roman, s'articule autours d'une caractéristique particulière des peuples de Gethen, iels ne sont pas sexués. Ou presque. Une fois par mois, ceux-ci entre en Kema, une phase durant laquelle iels peuvent prendre indistinctement et de manière variable, des attributs sexuels masculins ou féminin. Ainsi, un individu peut être père un jour, mère un autre. Et surtout, cela fait une société qui est totalement en dehors des normes de genre, et qui considère donc Genly, l'envoyé comme une bête de foire en rut permanent.

C'est l'un des points les plus intéressant du roman, notamment par le foisonnement d'interrogations et de réflexions qu'il crée sur le genre, les rôles habituellement assigné, les perceptions que l'on a des individus uniquement causé par les attentes que nous avons. 

Mais le talent d'Ursula Le Guin ne s'arrête pas là. Car en partant de cette caractéristique et en y ajoutant le climat glacial permanent qui règne sur Gethen, elle réalise quasiment un travail d'anthropologie
en développant des sociétés complexes, multifacettes, à la politiques subtile et aux mœurs tangibles. Elle propose une réelle altérité, détaillé, riche et vraiment différente, mais suffisamment proche pour qu'on s'interroge sur les chemins différents qu'auraient pu prendre nos sociétés.

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Mais bien sur, comme il ne s'agit pas d'un essai mais bien d'un roman, Le Guin n'oublie jamais qu'elle raconte une histoire et met en scène des personnages.

Genly donc, le protagoniste, qui vient d'un monde lointain totalement étranger aux luttes de pouvoirs dont il est témoin ici. Celles-ci lui semble d'un autre âge, de même que certaines croyances, certains concept et il peine à saisir tout les enjeux dont il est l'objet de même que les sous entendu.

Estraven, son principal contact, Ministre en Karhaïde, dont les motivations politiques toujours voilés derrière le Shiftgrethor, sorte de concept culturel, qui mêle le prestige, l'humilité, les sous-entendu, et qui irrigue toute cette société, créant qui pro quo et interprétation erronées pour qui n'est pas familier de cette manière de se comporter. Estraven fait preuve de courage, de remise en question, et s'avère être le personnage ayant la plus grande vision à long terme, capable de remettre en cause sa culture, ses présuposé, pour quelque chose de plus grand, c'est un personnage qui marque, touche et bouleverse.

La Main Gauche de la Nuit a été publié en 1969 et malgré tout, c'est un livre qui est toujours d'actualité. Au-delà de la grande aventure qu'il propose, du superbe récit de premier contact qu'il offre, son propos, ses réflexions, sur la politique, le genre, l'économie, les sociétés, tout est encore lisible au prisme de l'actualité.  Et l'ensemble est présenté dans une magnifique histoire, un récit de rencontre, de voyage qui touche et boulverse comme rarement

Iels en parlent : Vert, Xapur, Culture SF, Val, Lael, Lorhkan, Suck My K Dick


 

Commentaires

  1. Belle chronique. C'est vraiment un grand livre, si intelligent dans les idées et l'écriture.
    Bienvenue au club des adorateurs de Madame Le Guin en tout cas. Je ne te demande pas si tu comptes en lire d'autres... ^^

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    1. Oui voilà, exactement ! :D
      Héhé, je pense que je vais me faire sa bibliographie XD

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    1. Franchement ça l'est, et je pense que ça pourrait grandement te plaire ! :)

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  3. Je vais enfin oser je crois. Après une telle chronique je le sens bien!

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    1. Ouiiiiii !! J'ai mis longtemps avant de me lancer mais je ne regrette pas du tout ! :)

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  4. Un bien beau roman que voilà ! Bonne découverte de Le Guin !

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  5. Un sacré roman, je suis contente qu'il t'ait plu et donné envie de lire d'autres Le Guin. Il faudra que je le relise un jour (ça tombe bien avec la nouvelle édition qui arrive à l'automne...)

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    1. Oui alors je suis dégouté qu'elle sorte maintenant du coup cette édition T_T

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