Sur la PàL - Mars 2024

I sexually identify as an attack helicopter - Isabel Fall


I Sexually Identify as an Attack Helicopter - Isabel Fall
Clarkesworld Magazine // 2020 // 20pages
 
Cet article est la reprise d'un thread publié sur mon compte twitter.
Il y a peu de temps, j'ai lu la nouvelle de SF "I sexually identify as an attack helicopter" par Isabel Fall publié dans le numéro 160 de la revue américaine Clarkesworld et disponible gratuitement en ligne.
J'avais pas mal hésité à en parler à cause d'une polémique assez violente qui s'est abattue sur l'autrice, qui a du coup pris la décision de retirer le texte du site. Mais, je trouve ce texte très bon et je déplore ce qu'il c'est passé et la manière dont c'est arrivé. 

Pour ceux qui ne sont pas familier de la chose, le titre de la nouvelle fait référence à un même transphobe.

Le texte décrit un futur proche dans des USA éclatés en différentes factions politique dirigés par des IA et où la guerre est permanente, incompréhensible mais inévitable. Le point important est que l'armée a décidé de militariser et d'exploiter la notion de genre.
On se retrouve donc avec un.e protagoniste dont le genre est Attack Helicopter. 
Alors ok, dit comme ça, ça parait très con, voir très moqueur. Cependant, le premier point à savoir c'est que l'autrice est une femme transgenre, qui a d'ailleurs du s'outer à l'issue de la shitstorm déclenchée par sa publication.
Ensuite, il suffit de lire la nouvelle pour se rendre compte que l'on se retrouve clairement dans un texte profondément ironique qui cherche à se réapproprier un terme, à retourner le stigmate comme c'est régulièrement le cas pour les minorités opprimées. 
Et dernier point, le texte est assez brillant dans la manière dont il aborde le genre, dont il aborde le rapport que l'on a son genre, la manière dont les rôles genrés peuvent être des performances pour beaucoup de personnes et la manière dont ces performances façonne le monde.
Can you tell me honestly that killing is a genderless act? The method? The motive? The victim?
When you imagine the innocent dead, who do you see?

Pouvez vous honnêtement dire que le meurtre n'a pas de genre ? La méthode ? Le mobile ? La victime ?
Quand vous pensez aux victimes innocentes, qui voyez-vous ?
(Libre traduction approximative de ma part)
Il faudra aussi noter la description très intéressante d'un futur militarisé à l'excès ou la guerre n'a plus d'autre sens que d'être, et c'est dans cette optique que le militaire c'est emparé du genre afin de naturaliser un état de guerre permanent qui n'a aucun sens.
  
Concernant ce qui a poussé l'autrice a retirer le texte et la réception d'une partie de la communauté des personnes transgenre, c'est délicat pour moi d'en parler bien sûr car je ne suis pas concerné. On pourra souligner que le texte est un ownvoices (c'est à dire écrit par une personne concerné par le sujet abordé), qu'il a été relu par des Sensitivity Readers (des personnes issus de minorité sociales qui peuvent être embauchées pour relire des textes afin de donner leur ressenti sur des points les concernant, le but étant avec ces relectures d'obtenir des textes justes, qui sortent des stéréotypes et qui offrent des représentations cohérentes) mais au final, bien sûr que ça n'invalide pas le ressenti des personnes qui ont été blessé par la manière dont Isabel Fall dépeint et aborde le genre, la transition ou la dysphorie de genre dans son texte.

Some people say that there is no gender, that it is a postmodern construct, that in fact there are only man and woman and a few marginal confusions. To those people I ask: if your body-fact is enough to establish your gender, you would willingly wear bright dresses and cry at movies, wouldn’t you? You would hold hands and compliment each other on your beauty, wouldn’t you? Because your cock would be enough to make you a man.
Have you ever guarded anything so vigilantly as you protect yourself against the shame of gender-wrong?

Certains disent que le genre n'existe pas, que c'est une construction postmoderne, qu'en réalité il n'existe que les hommes et les femmes et quelques aberrations marginales. A ceux-là, je demande : si votre biologie est suffisante pour établir votre genre, vous n'hésiteriez pas à porter des robes brillantes, à pleurer au cinéma non ? Vous vous tiendriez par la main, complimenteriez votre beauté n'est-ce pas ? Parce que votre bite serait suffisante pour faire de vous un homme.
Vous êtes vous déjà protégé autant que face à la honte d'être mégenré ?

(Libre traduction approximative de ma part)

Alors quoi ? Est-ce qu'on peut parler de censure ? Pas vraiment, le texte est toujours disponible dans la version papier du magazine. Est-ce que les réactions étaient disproportionnée ? Étant donné qu'elles ont forcé l'outing de l'autrice, peut-être ?

Les seules choses dont je suis sûr, c'est que le texte est très bon et qu'il apporte des choses que l'on voit trop peu en SF. Et l'autre chose, c'est qu'il est des sujets qui malgré toutes les précautions, les réflexions et les remises en question seront toujours très sensibles et que l'ironie, la satyre et le retournement du stigmate sont difficiles à maniés avec clarté pour chacun


https://les-lectures-du-maki.blogspot.com/2019/12/le-projet-maki-presentation-inscriptions.html

Commentaires

  1. Merci pour ta participation, reste juste à remplir le forumalaire pour que Mr Excel puisse la prendre en compte. ;-)

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